La poésie occitane 2

Publié le par Christian

Et voilà le deuxième poème annoncé. Honte à vous qui vous disiez que je l'avais oublié !

Lou Printems
Claude Peyrot, prieur de Pradinas (1709-1795)



Lou coucut a cantat ; l'hyver va trescoula ;
La biso sul Rouergue es lasso de siffla,
Va pourta sous buffals dins lou pais de l'Ourso ;
Lou printems se preparo à coumença sa courso,
Trop long-tems amagat, lou Grand astré del Cel,
Quitto sa capo sombro è son negre mantel ;
Et del tiede zephir deja la douce haleno
Des rious emprisounats a foundut la cadeno.
De la cimo des rocs, à touto houro, en detal,
on vei se destaca de pendens de cristal ;
Et la neou que se fond, en laven las carrieros,
Va jusques dins lour leit treboula las rivieiros,
Sans cregné de l'hyver lou funeste retour,
L'amellié se desplego à l'esclat d'un bel jour.

Le coucou a chanté, l'hiver tire à sa fin ;
La bise sur le Rouergue est lasse de souffler
Et porte ses soufflets dans le pays de l'Ourse.
Le printemps se prépare et commence sa course.
Trop longtemps éclipsé, le Grand Astre du Ciel
Quitte sa cape sombre, ôte son noir mantel,
Et du tiède zéphir déjà la douce haleine
Des ruisseaux prisonniers a fait fondre la chaîne.
De la cime des rocs, à toute heure, un par un,
On voit se détacher des pendants de cristal
Et la neige qui fond, en lessivant les rues,
Jusqu'au fond de leur lit va troubler les rivières.
Sans craindre de l'hiver le funeste retour,
L'amandier se déploie à l'éclat d'un beau jour.

Pour être honnête, ce poème n'est pas en pur occitan, ni même en provençal mistralien, mais en patois rouerguois.
Né à Millau en 1709, mort en 1795, son intelligence le poussa à suivre des cours chez les juristes de Toulouse. Devenu détenteur d'une licence en droit, il entra dans la prêtrise en 1735, demeurant une vingtaine d'années à l'abbaye de Saint-Sernin, où il composa ses premiers poèmes, qui obtinrent une récompense aux Jeux Floraux de 1755. Revenu en Aveyron pour occuper le prieuré de Pradinas, il donna libre cours à son inspiration et composa poèmes et pièces en français dans lesquels le travail de la terre tenait la plus grande place. C'est pourtant dans sa langue natale qu'il composa sa plus belle oeuvre, Les Géorgiques Patoises, poème de 2000 vers dans lequel il chante les quatre saisons et d'où est extrait celui que vous venez de lire. Sa réputation dépassait largement les frontières du Rouergue quand il mourut à Pailhas, en 1795, sans jamais avoir été inquiété par les tenants des idées révolutionnaires, malgré son appartenance au clergé. Cela donne une bonne idée de sa popularité.

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